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20.04.2002

 

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Samsung motors et Renault

Janvier 2000 : l'annonce

Mardi 4 janvier 2000, Renault a annoncé avoir engager des négociations avec le groupe Samsung pour la reprise de Samsung motors, la filiale automobile du premier conglomérat coréen en terme de chiffre d'affaires.

Quelques mois seulement après l'alliance capitalistique avec Nissan, c'est une nouvelle hardiesse pour Renault qui ne nous avait pas habitués au grand jeu du capitalisme mondial.

Samsung motors ou "back to reality"

Fondé en 1995, Samsung est le dernier venu sur le déjà très encombré marché coréen. Outre Hyundai et Kia, Daewoo et Ssangyong se partagent un marché en forte croissance d'un million de véhicules en 1997.

Affaire de fierté avant toute chose, cette aventure a débuté au moment le moins propice pour la Corée. Les premières SM5, grosses berlines luxueuses à base de plate-forme Nissan, sont pour la première fois sorties des chaînes de montage fin 1997, soit au tout début de la crise. Le résultat ne se fait pas attendre. 55 000 unités vendues en 1998 seulement pour une capacité annuelle de production de 250 000 voitures, cela pourrait être un bon score en temps de crise.

Le projet du bâtiment Technocentre à Seoul.Mais deux bémols viennent ternir le tableau : la plupart de ces berlines sont des achats de cadres et de sociétés apparentés à Samsung. Autant dire que le marché n'est pas éternel et qu'il faudra savoir séduire les clients et ne pas compter uniquement sur le nationalisme qui habite tous les employés d'un chaebol. D'autre part la production en 1999 s'est effondré, les incertitudes pesant sur l'avenir de la société, la fermeture de l'usine pendant de longs mois et la mise en réglement judiciaire dès juin n'ont pas permis, loin s'en faut, d'attendre les objectifs.

Après l'échec du "big deal" en juin - échange de daewoo electronics contre samsung motors entre les deux groupes - le groupe samsung n'avait guère de ressource devant ce problème. Il aurait perdu un investissement initial d'un milliard d'euros et épongé trois milliards d'euros de dettes. Lee Kun-Hee avait d'ailleurs dès l'été dernier garantit les dettes de la filiale motors par des actions de la très profitable filiale Samsung Life Insurance.

Renault : la solution pour les créanciers

Un rachat par Renault permettrait à Samsung de solder une aventure fort coûteuse. Reste la question du montant et de la nature de la cession.

Renault a clairement fait savoir qu'il ne comptait reprendre que les actifs du groupe : soit la seule usine de la société à Pusan, moderne et construite avec l'aide de Nissan, le partenaire japonais de Renault. En aucun cas, Renault ne veut subir le passif de Samsung motors. On s'achemine logiquement vers un transfert d'actifs vers une nouvelle société.

Depuis deux ans, les Coréens sont passés maîtres dans la négociation de leurs cessions d'actifs. Le flou traditionnel qui entoure la comptabilité coréenne, loin des normes internationales, et la difficulté d'obtenir des informations en ont rebutté plus d'un. Citons en premier lieu à HSBC qui a renoncé, après des négociations marathon, à prendre en charge la Seoul Bank, l'un des deux banques nationalisées fin 1997. Les négociateurs de Renault vont devoir s'armer de patience, qualité fort prisée des Coréens qui ne conçoivent le business que dans le long terme.

Les deux, trois mois de pourparlers risquent de se prolonger, à n'en pas douter même si Louis Schweitzer a pris la sage décision de nommer Paribas et KPMG pour évaluer la cible. Ceux-ci ont remis leur estimation qui chiffre Samsung Motors à 890 millions de dollars. C'est sur cette base qu'il faudra négocier avec des Coréens décidés à laisser le moins de plumes possible dans l'affaire.

L'immeuble Technocente tel qu'il a été réalisé.Les ambitions de Renault pour Samsung sont de plusieurs ordres.

Tout d'abord développer la part de marché du petit poucet coréen pour atteindre 10 à 15% du total des ventes.

Faire de la Corée une base arrière pour la conquête de la Chine.

Introduire ses propres modèles en Corée. (je n'ai vu qu'une seule Renault pendant mon séjour à Séoul, c'était à l'ambassade de France !).

Avant d'atteindre ces objectifs, il faudra faire adhérer les employés de Samsung. Pour cela Renault compte non seulement sur le maintien de la marque Samsung pour les voitures ce qui est essentiel en raison du nationalisme viscéral du consommateur coréen, mais aussi sur la participation à hauteur de 20% du groupe dans le constructeur refondé.

Pour sauver la face, Samsung ne doit pas être "absorbée" mais "associée"... comme Nissan.

Les propositions
(voir communiqué du 6 mars 2000)

Deux mois quasiment jour pour jour après avoir annoncé officiellement le début de négociation avec Samsung, Renault a diffusé un communiqué détaillant son projet pour Samsung.

La firme au losange propose au groupe coréen l'établissement d'une joint-venture dont le capitale serait détenu à hauteur de 70% par Renault. Le groupe Samsung s'engagerait par ailleurs à conserver une participation minoritaire.

Renault propose que la nouvelle société rachète les actifs de Samsung motors pour 450 millions de dollars, soit deux fois moins que le chiffre avancé par KPMG et Paribas il y a un mois. 50 millions de dollars serait avancé en cash.

Comme prévu, la marque Samsung serait conservé ainsi que l'unique modèle, la SM5. Le communiqué de Renault prévoit également la commercialisation de véhicules Nissan et Renault à travers le réseau samsung en Corée et ceci afin d'atteindre rapidement 15% du marché.

Dans ce contexte, le bureau d'étude R&D de Kiheung se verrait confier la tâche d'adapter les modèles franco-nippons au marché coréen. Assembleurs de voitures étrangères sous une marque coréenne, voilà bien ce que craignaient les coréens. Le fait que Renault le précise dans son communiqué laisse à penser que l'autonomie de Samsung motors ne sera pas de mise.

Reste à savoir comment s'inscrit le positionnement de la marque Samsung dans la stratégie mondiale du groupe Renault Nissan. Rien ne laisse présager à l'heure actuelle que le groupe coréen sorte de la péninsule.

La réponse des créanciers 07.03.2000

La Hanvit banque, première banque coréenne et gros prêteur de Samsung motors s'est prononcé contre la proposition de Renault.


Elle a valorisé le constructeur automobile à 1 milliard de dollars soit deux fois plus que l'offre de Renault.

Cette réaction prévisible semble présager d'âpres discussions entre les partenaires, les Coréens sont désormais rompus à cette sorte de marchandage depuis deux ans et il n'est pas assuré que le projet de Renault n'aboutisse pas comme bien d'autres en Corée.

Une semaine après le refus essuyé par Renault, les négociations ont repris entre les deux parties.

La fin du premier deadline (mars 2000)

Après de nouvelles négociations à Paris à la mi-mars, les créanciers de Samsung ont accepté de baisser leurs prétentions à environ 600 millions de dollars dont la moitié payée à la conclusion de l'accord.

On avait appris entre-temps que Renault ne prévoyait de régler les 400 m de dollars sur les 450 proposés le 6 mars que sur une période de 15 à 20 ans et uniquement sur les bénéfices dégagés par sa participation dans Samsung motors.

Les créanciers coréens tentent de faire pression sur Renault en évoquant la possibilité d'un accord avec Hyundai motors à l'issue de la période de négociations exclusives le 31/03/2000.

Ce dernier n'a pas confirmé et l'on voit mal l'intérêt qu'il aurait à reprendre Samsung motors qui ne lui apporterait aucune part de marché, même de niche.

La fin du deadline

En date du 31/03, fin de la période exclusive de négociation, la situation était la suivante : Renault selon certaines sources aurait proposé 550m$ soit quasiment autant que ce qu'en demande les créanciers. Les négociateurs se retrouvaient une nouvelle fois à Séoul pour un troisième round. De plus Renault a reçu le soutien des sous-traitants de Samsung motors ce qui accrédite l'idée que la firme au losange constitue l'unique chance pour le coréen de survivre, contrairement aux menaces des banques créancières.

C'est reparti !

Renault n'en démords pas : la période de négociation exclusive est prolongée jusq'au 29 avril.

La principale difficulté reste la découverte récente de 270 millions de dettes de Samsung motors envers sa maison mère qui n'avait pas été dévoilé par les créanciers, tout autant que le prix de cession.

Conclusion de l'accord : 28/04/2000

Renault et la banque Hanvit, tête de file des créanciers de Samsung motors ont signé une lettre d'intention le 28 avril 2000, le 2 mai, les autres créanciers devraient parapher également l'accord qui mettra terme à quatre mois de négociations.

Renault et le groupe Samsung vont créer une nouvelle entreprise dont le capital se montera à 440 millions de dollars. Cette société procèdera à l'acquisition des actifs de Samsung motors : l'usine de Pusan, le centre de R&D, le réseau commercial et la marque notamment.

L'entrée du Technocentre de Seoul.Le montant de la transaction s'élève à 560 millions de dollars, dont 100 millions seront versés comptant. Les créanciers transformeront 40 millions de dollars de créances en capital qui constitueront les 10% de participation des banques créancières dans la nouvelle entité.

Les 420 millions de dollars restants seront acquitter au fur et à mesure des résultats du nouveau Samsung motors.

Cette société sera détenue à 70.1% par Renault, 19.9% par le groupe Samsung et 10% par les créanciers de Samsung Motors.

Les partenaires prévoient d'investir 300 millions de dollars sur 4 ans.

Le suivi (au 18/06/2000)

Jérôme Stoll posant avec une SM525V devant Namdaemun.
Un mois et demi après la signature de l'accord, faisons un petit point sur la nouvelle entité Renault Samsung motors.


Jérôme Stoll, ESCP, anciennement directeur des achats mécaniques de Renault, a été nommmé à la tête de Renault Samsung motors. Il a accueilli tout récemment le PDG du groupe Renault Louis Schweitzer en Corée.

Celui-ci a indiqué que Renault comptait investir 400 millions de dollars en quatre ans, qu'un second véhicule serait ajouté à la gamme du constructeur coréen et que la nouveau Samsung s'appuierait sur le même tissu de sous-traitants qu'initialement.

 

L'usine Samsung à PusanLe suivi (au 13/09/2000)

Selon le Korea Economic Weekly, la Housing & commercial Bank refuserait le plan d'échange d'actions contre dettes de Samsung motors. Ce différend entre le débiteur et créditeur coréens porte sur quelques 30 millions de dollars. La firme au losange a regretté ce revirement de dernière minute et a menacé d'annuler son acquisition.

Nouvelles (23/10/2000)

Jérôme Stoll a annoncé le lancement d'un nouveau modèle en 2002. Voiture d'entrée de gamme sur la base d'un modèle Renault ou Nissan, ce véhicule serait commercialisé sous la marque Samsung en Corée.

Le PdG de Renault Samsung motors a réaffirmé la priorité de l'entreprise : le retour aux bénéfices et non pas la croissance du chiffre d'affaires à tout prix.

Par ailleurs, Renault aurait renoncé à reprendre les activités poids lourds de Samsung.

Nouvelles (30/12/2000)

D'après le Korea Herald la production dans l'usine de Pusan serait retombée à 3 500 unités en novembre suite à la baisse du marché coréen. Le mois de septembre avait vu redémarrer l'activité avec une production similaire, le mois d'octobre avait confirmé le redressement.

Par ailleurs, M. Schweitzer, Pdg de Renault, a annoncé dans La Tribune le lancement prochain d'une SM3, dérivée d'une plateforme Nissan pour compléter la gamme de Samsung.

Nouvelles (12/10/2001)

Un showroom près de la gare de bus express à Seoul.On peut lire : Renault-Samsung motors en coréen.
RSM est en passe de réussir son pari. Les ventes de SM5 ont dépassé les 8000 au mois de septembre (notamment en raison d'une série limitée fêtant la première année d'activité de la nouvelle société RSM). L'objectif fixé pour l'année 2001 devrait être atteint, le réseau redémarre comme le prouve cette photographie prise lors de mon voyage en Asie cet été.

 

 

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